jeudi 8 mars 2007

LETTRES DU JAPON-Hommage à Sei SHONAGON, écrivain et femme de cour au Japon (début du 11e siècle)

Fleurs des arbres

"J'aime la fleur du prunier qu'elle soit fonçée ou claire, mais la plus jolie, c'est celle du prunier rouge. J'aime aussi un fin rameau fleuri de cerisier, avec ses corolles aux larges pétales et ses feuilles rouge fonçé. […]
Les fleurs de glycine, tombant en longues grappes, aux belles nuances, sont vraiment superbes. […]
La fleur du poirier est la chose la plus vulgaire qui soit au monde. On ne la garde pas volontiers près des yeux, et l'on ne se sert pas d'un rameau de poirier pour y attacher même un futile billet. […]
Pourtant, en Chine, on lui trouve une grâce infinie, on la chante dans les poèmes. Si, la jugeant laide, on réfléchit que quelque chose doit expliquer le goût des chinois, et si on la regarde attentivement, on croit distinguer au bord des pétales une jolie nuance rose, si faible qu’on n’est pas sûr de ses yeux. On a comparé la fleur du poirier au visage de Yô Ki-Hi, lorsqu’elle vint en pleurant vers l’envoyé de l’empereur, et l’on a dit : « Le rameau fleuri du poirier est couvert des gouttes qu’y a laissées la fleur printanière. » Aussi bien, quand je songe qu’il ne s’agit pas là d’un éloge médiocre, je me dis qu’aucune autre fleur n’est, sans doute, si merveilleusement belle »

Tiré de "Notes de Chevet"(ou Notes de l'oreiller) écrites par Sei Shônagon, traduction et commentaires par André Beaujard, Gallimard, 1987
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QUI EST Sei SHONAGON ?
Les lettres du japon accompagneront régulièrement le jardin d’essai, au rytme de notre lecture et de son écriture, au fil des jours. Je vous résumerai chaque fois un peu le contexte.
L’ époque de Sei

Sei Shonogon vivait à l’époque des Heian au Japon au début de l’an mille. Elle était femme de cour au service de la jeune princesse Sadako. A cette époque, la littérature japonaise vivait son âge d’or. Le système de gouvernement était inspiré de la Chine. Mais contrairement à ce qui se passait en Chine, seule les aristocrates avaient accès à l’instruction. Ils se pressaient autour du palais impérial et leur vie était libre, quoique compliquée par une étiquette stricte et sévère. L’esthétique leur importait plus que la morale. Ils s’écrivaient des lettres spirituelles qu’ils attachaient ensuite à une branche fleurie, dont la couleur s’accordait avec le papier avant de les faire porter par un messager. « Les gens des Heian aimaient les fleurs, la musique…et le vin de riz. » La cour vivait cependant dans l'inquiétude, due aux rivalités qui fragilisaient le pouvoir, aux calamités naturelles, incendies, tremblements de terre. Influencés par le bouddhisme et le taoïsme venus de Chine, ils avaient une tournure d’esprit empreinte de romantisme, de sympathie pour la nature, de compassion pour les êtres et les choses qu’exprime le terme d’ « aware », souvent utilisé dans la littérature de cette époque. Cependant une gaité naturelle et un quête de volupté continuait de guider leurs pensées et leurs actes.

Résumé tiré de la magnifique préface d’André Beaujard, in Notes de Chevet, Gallimard, 1987

La prochaine fois : La vie de Sei

1 commentaire:

venezia a dit…

ravie de retrouver ici l'une de mes "copines" littéraires favorite